28/08/09 Nuoro Jazz (1)

kiddo
Evénement insolite pour l’ouverture de la XXI édition du festival. On joua sur scène les seules compositions écrites par Chet Baker lors d’un séjour dans une prison italienne. Condamné par possession de drogue, le trompettiste y avait composé des thèmes et les avait offerts à un codétenu qui, à son tour, les donna à un ami pianiste classique. Après un parcours de trente ans dans le silence, elles tombèrent dans les mains d’un autre jeune pianiste qui les montra à son professeur musicologue Luca Bragalini. Ensuite l’affaire s’emballe. Bragalini contacte le pianiste Mauro Grossi (il avait collaboré avec Baker) qui réalise des arrangements et sollicite le soutien du trompettiste Paolo Fresu ; ils montent un quartet de jazz, invitent le quatuor de cordes Alborada et présentent ces inédits de Baker sur scène, à Piacenza puis à Nuoro. Belle histoire nommée Let’s Get Found celle de ces inédits dédiés à Claudia et aux autres femmes que Chet aimait à l’époque. Sur la scène du Cortile Casa Deledda (l’ancienne maison de l’écrivain Grazia Deledda, prix nobel de littérature) la trompette de Fresu fut la protagoniste principale évoquant, avec une sensibilité extrême la figure de Baker, si importante pour le musicien sarde dans sa dimension lyrique et romantique. Accompagnée cette fois par le piano de Grossi, la batterie de Stefano Bagnoli et la basse de Riccardo Fioravanti. Le Alborada String Quartet reprit service le lendemain, à la Casa Cabras de Orosei, une ancienne maison patricienne datant du VI siècle. Sous l’ombre de grenadiers, le quatuor interpréta, avec une élégance particulière, des compositions de Diederik Wissels et Paolo Fresu (mais aussi de Philip Glass et Arvo Part) dans un registre proche de la musique contemporaine.






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Francisco Cruz
26/08/09 Time in Sassari (2)

Inconnu à peine un an plus tôt, c’est en Italie où l’on retrouve désormais Ibrahim Malouf. Son disque Diasporas fit forte impression et après Bergamo c’est à Sassari qui se présenta le trompettiste d’origine libanaise. Cette fois, en compagnie de l’excellent percussionniste Bijan Chemirani (fils du maître iranien Djamchid). Plusieurs mondes réunis dans sa singulière trompette aux quarts de ton, classique et populaire moyen-oriental, classique européen, jazz, pop et électronique, l’insaisissable Malouf offrit une très belle prestation; introspective, profonde, aux abords d’une méditation. Comme un voyage dans la mémoire, émouvant, joyeux dans l’échange avec son partenaire, et une offrande salutaire pour ceux qui veulent bien l’entendre.

Impressionné par Malouf, le public le serait aussi avec Luca Aquino et Raffaele Casarano. Trompettiste et saxophoniste férus de musique électronique, que Paolo Fresu annonça comme l’un des jeunes duos les plus prometteurs du jazz italien. Leur projet bicéphale, en parallèle aux formations personnelles, s’inspire tant de Freddy Hubbard que de Nils Petter Molvaer, de Dave Liebman et Trygve Seim, et en peu de temps a vécu une importante évolution dans le traitement et la mise en jeu de la matière sonore. Fans des grooves impétueux et rythmiques aléatoires, les deux musiciens enchaînent disques en leader et des concerts en duo qui se multiplient à une vitesse inattendue. La séance de clôture de Sassari confirma les qualités du renouveau sarde en matière de jazz : au sein de l’Orchestra Jazz della Sardegna on retrouva des nombreux jeunes solistes, dont la pianiste Silvia Cordas, les trompettistes Giovanni Sanna et Antonio Meloni et l’accordéoniste Graziano Solinas. Ils brillèrent particulièrement dans l’exécution du Concerto Grosso L’Eccezione e La Regola préparé pour l’occasion par le maestro Bruno Tommaso

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Francisco Cruz
25/08/09 Time in Sassari (1)

p.freeman
Prolongement du séminal Time in Jazz de Berchidda, les séances de Sassari sont l’occasion de découvrir en Sardaigne des jeunes musiciens et des nouvelles tendances du jazz européen. Répartis entre Osilo, Ittireddu, et divers espaces de Sassari, afin de partager la musique avec des populations éloignées des centres culturels. Ainsi, dans un asile psychiatrique eut lieu le concert de la harpiste électrique Marcella Carboni et la chanteuse Elisabetta Antonini. Une intense expérience artistique et humaine car, parmi le public il était difficile de distinguer les patients internés des autres. Fort de leur expérience dans la musique contemporaine, électronique, pop et jazz, le duo joua un programme éclectique, passant de Coltrane à Jobim, de Wheeler à Oregon ; pour finir avec une excellente version de Tutu de Miles, sur les paroles écrites par Cassandra Wilson (the babe crie and the soldier prepares to die). Une belle complicité qui mit en relief la dextérité épatante de la harpiste, sur des arrangements assez complexes, et la ductilité d’une voix très communicative.

p.freeman
Tard dans la nuit, c’est la trompettiste Airelle Besson qui joua les enchanteresses. Privée de la compagnie de Sylvain Rifflet (malade), mais toujours avec la complicité des autres Rockingchair, la belle impressionna par la qualité du son, les variations très nuancées de son jeu et l’intelligence de ses arrangements. Inclassable par l’amplitude des influences et la structure variable du répertoire, surprenant par la dynamique, l’équilibre formel entre écriture et improvisation, et la circulation fluide des idées musicales, le quintet de la Besson s’affirme (sur les traces de Kartet) comme l’une des nouvelles formations françaises les plus appréciées à l’étranger. Le public enthousiasmé achetant son disque à la fin du concert en était la meilleure preuve.

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Francisco Cruz
17/08/09 Time in Jazz (Acqua4)

pfreeman
Un programme inspiré et consacré à l’eau, c’est aussi une occasion d’échange de points de vue (devant deux mille spectateurs) autour de la pénurie et le gaspillage du précieux élément. Dans cette perspective, une journée consacrée à l’Afrique résulta évidente ; et personne ne pouvait mieux représenter le continent que la chanteuse béninoise Angélique Kidjo. Spectaculaire sur scène et engagée dans ses propos, elle offrit un concert plein, irrésistiblement dansant et de très bonne facture musicale. Improvisant un chœur de centaines de spectateurs sur scène, la Kidjo cassa tous les protocoles et gagna une ovation très méritée. Reconnaissance qui se répéta le lendemain dans le jardin de l’église de San Michele, lors d’un récital acoustique avec Paolo Fresu en guest.

En fin d’après-midi, on était dans la magique enclave de San Nicola de Caranna, Luras, devant le bleu indigo d’un lac et sous l’ombre d’un olivier par deux fois millénaire. Après une émouvante évocation poétique des émigrants africains qui meurent en mer intentant gagner l’Europe (faite par l’écrivain Pierpaolo Piludu), on assista à la rencontre inédite des guitaristes Roberto Cecchetto (découvert en France avec Rava) et Eivind Aarset. Ce fut un dialogue improvisé extrêmement subtil et fluide, une surprenante connexion musicale sur un registre onirique, par moments presque méditatif, à peine altérée par des transitions bruitistes d’une grande délicatesse et concision. Fondée sur un sens remarquable de l’écoute et une profusion d’idées aussi riche que le jeu d’exploration de sons (chacun muni des unités de traitement multi effets), la prestation de Aarset et Cecchetto restera comme l’un des plus beaux instants musicaux de cette année ; un voyage dans une autre dimension, par-delà la technologie et la nature.
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Francisco Cruz
16/08/09 Rashied Ali (1935-2009)

Le dernier batteur de John Coltrane, Rashied Ali, est décédé mercredi 12 août d'une crise cardiaque. Né un 1er juillet 1935, il avait 76 ans. C'est sur les conseils de Sunny Murray que Coltrane l'avait embauché après que cet élève de Philly Joe Jones se soit fait remarquer auprès de Pharoah Sanders, Don Cherry, Paul Bley, Archie Shepp ou Albert Ayler. Après la disparition de Trane, il avait travaillé notamment avec David Murray, James Blood Ulmer, William Parker, Charles Gayle ou Ravi Coltrane. Il était de la trinité des grands batteurs free, avec Sunny Murray et Milford Graves. De 1973 à 79, à l'apogée de la "loft generation", il avait dirigé son propre club à Manhattan, Ali's Alley. Son label Survival Records était par contre toujours en activité. Ainsi, "Judgment Day, Vol 2" de son quintet actuel venait d'être couvert d'éloges par Howard Mandell.
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Alex Dutilh
Les Paul (1915-2009)

Il venait d'avoir 94 ans et faisait toujours le show du lundi soir (deux sets) à l'Iridium new-yorkais. Avec une insolente joie de vivre et une gourmandise intacte à tenir sa guitare dans ses bras. Les Paul s'est éteint le 13 août à l'hôpital de White Plains, dans la banlieue nord de New York, des suites d'une sévère pneumonie.
Entamée dans les années 30, sa carrière fut celle d'un pionnier. Après avoir épousé la chanteuse Mary Ford, avec laquelle il monta un célébrissime duo, il inventa en 1952 la guitare "solid body" qui allait porter son nom et faire la fortune du luthier Gibson. Ses shows quotidiens à la radio ou à la télévision allaient définitivement populariser l'instrument, l'amener à accompagner des vocalistes de toutes les esthétiques et le transformer en légende vivante. Aucun guitariste électrique sur la planète qui ne lui soit aujourd'hui redevable. Son humour intarissable et son authentique fantaisie nous étaient aussi précieux…
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Alex Dutilh
15/08/09 Time in Jazz (Acqua3)
La Scandinavie, où l’eau est si présente dans tous les domaines de l’art, s’expose largement à Time in Jazz. Après Garbarek, les musiciens suédois Jan Lundgren et Lars Danielsson, proposèrent des projets personnels (le trio Mare Nostrum pour le pianiste, le duo avec Tony Overwater pour le bassiste), puis ils furent associés au choeur polyphonique Santa Maria delli Angeli, à Ozieri. En prime, Lundgren offrit un magnifique récital en solo, dans le parc de la Fonti di Rinaggiu à Tempio. À midi, sous les arbres, il interpréta des compositions personnelles intercalées de thèmes de Monk, de Jarrett et du folklore suédois. Avant de conclure au troisième rappel par un saisissant duo avec Fresu.

De son côté, le guitariste norvégien Eivind Aarset rencontra des musiciens italiens et proposa un projet inédit avec son trio nordique. Soudain, la Piazza del Popolo fut envahie par un trip rock-jazz saturé d’électronique. L’expérimentation sonore est le principe d’un jeu d’improvisations interactives extrêmement nuancées, à la fois spatiales et incisives, propulsées par une rythmique très sophistiquée et entraînante. Devant une projection d’images non-figuratives, Aarset emplit la nuit d’une musique complexe et séduisante, héritière de Miles et de Zappa autant que de Pink Floyd, jouant toujours dans une quasi-pénombre très suggestive, le visage couvert par ses longs cheveux blonds : apprécié par les jeunes femmes, déploré par les photographes…
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Francisco Cruz
12/08/09 Time in Jazz (Acqua2)

©Kiddo
C’était le matin au village de Pattada. Sur le parvis de l’église San Giovanni, devant le regard épaté des villageois et les acclamations enthousiasmées des amateurs venus de toute l’Italie et au-delà, la rencontre entre Paolo Fresu et Gianluca Petrella a tenu toutes ses promesses. Audacieuse dans la profusion des idées musicales développées dans l’improvisation la plus totale, la prestation de ce duo de souffleurs férus d’électronique a confirmé leur évidente complicité musicale et une compréhension technique commune. Longues séquences d’improvisation décalée, phrasés à l’unisson, jeux poly-rythmiques, questions-réponses, effets électroniques (radio samplée, distorsions des voix, boucles) et acoustiques (recherche de résonances harmoniques à l’intérieur de l’église, divers objets métalliques, grelots)… Fresu et Petrella déployèrent une vaste panoplie de ressources stylistiques et formelles, pour faire jaillir leur imagination jusqu’aux limites du délire sonore.

©kiddo

Le soir, pour sa première présentation à Berchidda, Jan Garbarek était en compagnie de son nouveau quartet : Rainer Bruninghaus le fidèle complice aux claviers, Trilok Gurtu aux percussions et le bassiste à découvrir Yuri Daniel. Concert généreux (plus de deux heures !) pour passer en revue le répertoire d’un nouvel album annoncé pour septembre. Des reprises acclamées par le public qui chanta la mélodie de Voy Cantando, une version superbe de Milagre dos Peixes (de Milton Nascimento), suivie d’une plongée dans la magie de Dance for Everyone (de Shankar), Living Magic (de Trilok) et Magico (de Gismonti) ; comme une évocation heureuse et sans nostalgie d’un temps à la créativité débridée. Le groove inusable de Gurtu est le principal support pour Daniel, qui arrive par moments à faire oublier l’absence d'Eberhard Weber. Garbarek, plus souriant que d’habitude, se montra particulièrement motivé et encouragea ostensiblement les mongs solos de ses complices. Seul regret : que Bruninghaus ne joue pas davantage du piano acoustique. Pour le reste, une musique qui coulait de source.
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Francisco Cruz
11/08/09 Time in Jazz (Acqua1)

© P, Freeman
Sous influence écologique, l’original festival de Berchidda prend une tournure "élémentaire"… Avant l’air, la terre et le feu pour les années à venir, l’eau était le thème de la programmation 2009 concoctée par Paolo Fresu. Ouverture conséquente, à l’heure du petit-déjeuner, avec Peter Waters au bord du lac Nunzia. Entouré de libellules aux couleurs vives et accompagné par un subtil chœur de grenouilles, le pianiste offrit un beau programme qui réunissait Fauré et Jobim. Une randonnée au sommet du mont Limbara servit d’interlude avant d’arriver dans une clairière au cœur de la forêt, pour une performance du poète sarde Gavino Ledda en compagnie de Fresu. La parole invoquant le principe de l’univers et l’importance de l’eau dans la création et l’évolution de la vie sur terre, fut accompagnée et commentée, par la trompette traitée avec des effets électroniques. Des boucles hypnotiques samplées en temps réel, le souffle comme analogie de l’élan vital, et une danse de papillons orangés pour clore un concert amplifié à l’énergie solaire.

© P, Freeman
Le soleil brillait en fin d’après-midi lorsque Gianluca Petrella présenta son projet Trombonefish dans la piscine communale. Un spectacle solitaire entièrement improvisé, qui mit à l’épreuve la créativité du tromboniste. Jouant au bord de l’eau, dans l’eau, et avec l’eau circulant à l’intérieur des coulisses. Avec beaucoup d’imagination et d’humour, il utilisa des instruments transformés pour l’occasion, le trombone déstructuré pour tirer des sons de chacune des parties, et une panoplie d’accessoires (bouée, jouets flottants, palmes pour marquer le rythme). Invoquant l’esprit du blues et la saeta, s’appuyant sur des esquisses mélodiques connues, Petrella produit un spectacle expérimental fascinant dans sa recherche sonore et sa fluidité. Climat aquatique parfait.
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Francisco Cruz
04/08/09 Fano Jazz by the Sea (5)

©rossetti
Après une incursion aux allures expérimentales du trompettiste Cuong Vu, invité du très intéressant trio Wasabi, et le plus mauvais concert jamais entendu du trio Coryell-De Francesco-Mouzon, on était convié à soigner des blessures auditives avec le quintet d’Enrico Rava. Le public de la Corte Malatestiana fut d’emblée étonné par un démarrage extrêmement lent ; l’installation d’un climat quasi rituel pour la démarcation de l’espace sonore, dans lequel eurent lieu des conversations confidentielles (de trompette à trombone) suivies de longs et très beaux soliloques de Gianluca Petrella. Particulièrement inspiré ce soir, le tromboniste suscita une écoute très attentive sous le regard manifestement admiratif du leader (qui voulait être tromboniste !).

©rossetti
Un voyage lointain au bord des inflexions inouïes échappées des pistons et coulisses d’un trombone qui fascine par la fluidité de son discours. Bourré d’idées nouvelles, saturé de nuances et porté par une époustouflante maîtrise du souffle… Le quintet ? Plutôt d’un duo de solistes accompagnés d’une section rythmique, car l’intérêt du discours retombe lors du silence des souffleurs. Le programme fut entrecoupé d’intermezzos ludiques, très rythmiques, où le pianiste se lâcha (dansant assis il faillit tomber…) et la basse s’éveilla à coup de slap. L’humour léger qui circulait entre Rava et Petrella était particulièrement apprécié par l’auditoire féminin, quand soudain le ton monta de quelques degrés et une sorte de folie s’empara de la scène. Rava capitula et Petrella se lança à la chasse des figures sonores impensables, pour revenir plus tard repêcher le groupe et finir dans une ambiance assez rock and roll. Le public explosa. Arrivederci Fano !
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Francisco Cruz
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